Patrick Lagacé visé par une lettre tranchante d'Antoine Corriveau
Crédit photo: YouTube - Antoine Corriveau | Facebook - Deux hommes en or
Dans les dernières semaines, une chronique publiée par Patrick Lagacé a suscité beaucoup d'échanges dans le milieu culturel.
Patrick Lagacé y partage plusieurs anecdotes personnelles, mais une portion précise a particulièrement retenu l'attention du public: son regard sur les premières parties de spectacle.
Il y présente une vision tranchée. Selon lui, ces segments d'ouverture n'ont que peu d'intérêt pour le public.
Il propose même de restreindre la présence des artistes invités à trois chansons, question d'accélérer les choses et de passer rapidement à la tête d'affiche.
Une réaction bien sentie du milieu musical
Ce point de vue n'est pas passé inaperçu. Plusieurs figures du milieu artistique ont réagi, et parmi elles, le musicien Antoine Corriveau s'est démarqué.
Sur les réseaux sociaux, il a rédigé une longue lettre en réponse à la chronique, dans un ton à la fois direct et réfléchi.
Il y partage son expérience du milieu musical et apporte des précisions sur le fonctionnement des spectacles, notamment sur le rôle financier que peut jouer la vente d'alcool dans la survie de certaines productions.
Son message va au-delà de la simple défense des artistes émergents. Il soulève des enjeux liés à l'économie du spectacle, à la découverte de nouveaux talents, et au lien entre le public et ceux qui montent sur scène pour la première fois.
Voici son message complet:
« Cher Patrick Lagacé,
Tu permets que je t'appelle Pat? Comme ça, ça nous met sur le même niveau de respect mutuel. Je vais essayer de faire comme si tu étais de bonne foi et t'expliquer deux ou trois affaires que tu n'as pas l'air de savoir sur l'industrie de la musique. Peut-être, qui sait - permets-moi d'espérer - que ça saura nuancer tes propos sur ce milieu que tu sembles ne pas connaître, ce qui est normal, après tout, puisque tu n'en fais pas partie. Sauf que, comme tu as une voix qui porte et que ta parole a un poids, je ressens une responsabilité de te donner quelques clés pour mieux comprendre le sujet dont tu parles.
Tu disais, dans ta première chronique, que tu soupçonnais que les premières parties de shows sont un prétexte pour te vendre encore plus de calories vides (de la bière, etc.). T'as pas 100 % tort. Sais- tu aussi que parfois, il n'y a pas de première partie et que, souvent, dans ce cas-là, on nous demande de séparer notre show en deux - de faire un entracte? Pour permettre sensiblement la même chose : une pause pour que les gens aillent pisser, fumer, mais surtout acheter de l'alcool au bar. Sais-tu que cette demande-là vient généralement des salles de spectacle? Et t'es-tu déjà demandé pourquoi?
Assieds-toi, mon Pat, je vais te confier les secrets les plus sombres de cette industrie.
Savais-tu, Pat, qu'il n'y a pas beaucoup d'argent dans le milieu de la musique? Savais-tu aussi que ça coûte vraiment cher, présenter un show? Je te parle pas d'un show d'humour, là, où t'es probablement prêt à payer le triple pour ton billet parce que la personne seule sur scène avec son tabouret et son verre d'eau commence à l'heure. Non, non. Je te parle d'un show de musique, où 4, 5, 6, 7 personnes se mobilisent, loadent un truck de plusieurs dizaines de kilos d'instruments de musique, roulent pendant des heures, déloadent le truck, installent l'équipement, font un test de son de deux à trois autres heures, présentent leur show et refont la même job à l'envers avant d'avoir le droit de regagner leur lit.
Ok, scuse-moi Pat, c'est long, j'ai l'air de prendre des détours. C'est juste que c'est une industrie complexe qui se résume pas en deux secondes, mais je te promets que ce sera pas ben ben plus long qu'une de tes chroniques.
Des fois, les salles ont besoin de ces revenus de vente d'alcool pour présenter des spectacles qui nécessitent un peu plus de curiosité que la tienne, pourtant considérable, selon tes dires. Des fois, les maisons de production de spectacles ont aussi des ententes pour toucher une partie des revenus du bar. Sais-tu pourquoi? Parce que la présentation du spectacle en question est parfois trop risquée. Elle coûte cher à mettre sur la route, et on arrive mal à la vendre.
Je vais t'épargner le bout où je t'explique qu'on a du mal à la vendre parce que les médias populaires ne font pas vraiment de place à sa promotion. J'ose croire que ça, tu le savais déjà, Pat.
Faque c'est certain que quand tu headlines un show pis qu'on te donne l'option entre présenter une première partie ou couper ton show en deux, c'est ben plus le fun de pas le couper. Pis je vais te le dire - tombe pas en bas de ta chaise, Pat - mais c'est aussi ben plus le fun de partager la scène avec d'autres bands qu'on aime. C'est aussi ben plus le fun de sentir que, si on offre ne serait-ce qu'un petit peu de visibilité à l'artiste en première partie, ça peut juste être bénéfique pour son projet et pour les personnes dans la salle qui sont curieuses d'entendre quelque chose qu'elles ne connaissent pas encore.
C'est quand, toi, la dernière fois que t'as fait une découverte musicale, mon Pat?
Bref, cette pause-là, qui te permettrait d'y aller pisser au lieu de juste chialer sur le fait que t'as envie de pisser pis que tu choisis de te retenir, elle aide financièrement à le présenter, ce spectacle, pour lequel tu as acheté un billet vraiment pas si cher que ça quand tu le compares à ton bill de pintes de bière que tu vas avoir bu ce soir-là.
Je vais pas trop te gosser avec ça, mon Pat, mais pendant ce temps-là, il y a plusieurs technicien-nes qui s'affairent à faire ce qu'on appelle un change-over, qui consiste à sortir les instruments de la première partie de la scène et replacer le setup du deuxième band. Hey man, ça peut être compliqué, faire ça vite. Surtout considérant que ce monde-là aimerait vraiment ça que tout se passe bien pour l'artiste qui s'apprête à commencer son show, et pour le public qui s'apprête à l'écouter.
Mais je relis tes chroniques et je te vois venir : « Ok, ok, Tony, j'ai compris, je chialerai pu sur les premières parties, mais ça excuse pas le fait que les shows commencent pas à l'heure, on est d'accord? » Sur le fond, oui, on est assez d'accord. Mais j'ai une question pour toi, mon Pat. Peux- tu me redire à quelle heure t'es parti de chez vous avec << Madame » pour le show de Martha Wainwright qui commençait à 20 h? Me semble que c'était 20 h. Là, imagine-toi deux secondes le nombre de tatas qui se disent la même affaire que toi. Imagine ce que ça crée dans les coulisses d'une salle de spectacle. T'as généralement un régisseur qui va venir te voir dans la loge et qui va te dire : << Hey, on va décaler le début du show un peu parce qu'il manque encore beaucoup de gens qui ont acheté leurs billets. » Imagine : t'es le band qui joue. Tu te dis : « C'est plate pour eux autres si on les attend pas, pis c'est plate pour nous autres de jouer dans une salle vide. » Faque t'attends un peu. On appelle ça un cercle vicieux.
J'arrive à ta deuxième chronique, Pat. Je te connais pas vraiment, mais je pense que t'es doté d'une certaine forme d'intelligence. Pis je sais pas si on te l'a appris, mais dans un débat, la stratégie de l'exemple est pas mal l'argument le plus faible. Parce qu'au fond, ce que tu nous dis, c'est qu'il y a 4-5 mononcles-matantes qui t'ont validé dans ton mal de pieds pendant que t'attendais l'artiste principal-e, pis tu t'es dit que c'était suffisant pour invalider ce que la moitié (ou les trois quarts, selon tes dires) de la communauté musicale t'a dit.
J'espère que tu comprends aussi, avec un peu de recul, que ta proposition de faire commencer les premières parties avant l'heure annoncée du show fait en sorte que ce à quoi sert une première partie est complètement évacué de ton scénario. C'est comme si, au lieu de t'intéresser au monde dans lequel tu vis, tu demandais à ce monde-là de s'adapter à ton petit nombril - et à celui de Mme Olivier, Louise, Carol, Christian et Sophie (on les salue), apparemment tes seul-es allié-es dans ta grande croisade anti-premières parties.
Je finirai sur ton avant-dernier paragraphe, Pat. Celui où tu nous dis que notre concurrence, c'est le salon. Netflix, Reddit, Facebook, RDS. Les écrans. Et là, je comprends mieux. Je te vois, à Brossard ou au MTelus, pendant la pause interminable entre la première partie et la deuxième. Je te vois, avec << Madame >>, au milieu de la salle. Tu serres les fesses pour réfréner ton envie de pisser. Tu regardes la scène vide comme tu regardes ta TV. Pis y'a un moment de silence, un moment où l'artiste pour qui t'as payé (ou l'autre qui a « pourri » ta soirée) n'est pas là pour te donner quelque chose à regarder. Tu te retrouves tout seul avec tes pensées (et Madame). Et fuck, t'as mal au dos. Et shit, t'as mal aux pieds. Pis y'a rien à la TV. En fait, y'a sûrement quelque chose à la TV. Mais maudite marde, t'es pogné là, au milieu de monde qui préfère les arts vivants.
Je sais pas si t'es culturellement mort en dedans. T'as l'air d'avoir aimé le show d'Elisapie. Il doit rester une petite flamme qui brûle quelque part en dedans. Laisse-la pas mourir. Pis la prochaine fois que tu veux faire une chronique sur un milieu que tu connais pas, fais donc ta job de journaliste pis parle à des gens qui peuvent t'expliquer le sujet que tu ne connais pas vraiment. Y appellent ça de la curiosité, de l'empathie... mais surtout, de la rigueur.
J'espère que si on se croise dans une salle de spectacle, ce sera aux toilettes, mon Pat. Retenir ses envies de pisser, ça donne juste envie de chier. Pis je trouve ça plate quand c'est sur nous que tu fais ça.
Antoine
(un gars qui joue parfois en premier, parfois en deuxième) »
Tu permets que je t'appelle Pat? Comme ça, ça nous met sur le même niveau de respect mutuel. Je vais essayer de faire comme si tu étais de bonne foi et t'expliquer deux ou trois affaires que tu n'as pas l'air de savoir sur l'industrie de la musique. Peut-être, qui sait - permets-moi d'espérer - que ça saura nuancer tes propos sur ce milieu que tu sembles ne pas connaître, ce qui est normal, après tout, puisque tu n'en fais pas partie. Sauf que, comme tu as une voix qui porte et que ta parole a un poids, je ressens une responsabilité de te donner quelques clés pour mieux comprendre le sujet dont tu parles.
Tu disais, dans ta première chronique, que tu soupçonnais que les premières parties de shows sont un prétexte pour te vendre encore plus de calories vides (de la bière, etc.). T'as pas 100 % tort. Sais- tu aussi que parfois, il n'y a pas de première partie et que, souvent, dans ce cas-là, on nous demande de séparer notre show en deux - de faire un entracte? Pour permettre sensiblement la même chose : une pause pour que les gens aillent pisser, fumer, mais surtout acheter de l'alcool au bar. Sais-tu que cette demande-là vient généralement des salles de spectacle? Et t'es-tu déjà demandé pourquoi?
Assieds-toi, mon Pat, je vais te confier les secrets les plus sombres de cette industrie.
Savais-tu, Pat, qu'il n'y a pas beaucoup d'argent dans le milieu de la musique? Savais-tu aussi que ça coûte vraiment cher, présenter un show? Je te parle pas d'un show d'humour, là, où t'es probablement prêt à payer le triple pour ton billet parce que la personne seule sur scène avec son tabouret et son verre d'eau commence à l'heure. Non, non. Je te parle d'un show de musique, où 4, 5, 6, 7 personnes se mobilisent, loadent un truck de plusieurs dizaines de kilos d'instruments de musique, roulent pendant des heures, déloadent le truck, installent l'équipement, font un test de son de deux à trois autres heures, présentent leur show et refont la même job à l'envers avant d'avoir le droit de regagner leur lit.
Ok, scuse-moi Pat, c'est long, j'ai l'air de prendre des détours. C'est juste que c'est une industrie complexe qui se résume pas en deux secondes, mais je te promets que ce sera pas ben ben plus long qu'une de tes chroniques.
Des fois, les salles ont besoin de ces revenus de vente d'alcool pour présenter des spectacles qui nécessitent un peu plus de curiosité que la tienne, pourtant considérable, selon tes dires. Des fois, les maisons de production de spectacles ont aussi des ententes pour toucher une partie des revenus du bar. Sais-tu pourquoi? Parce que la présentation du spectacle en question est parfois trop risquée. Elle coûte cher à mettre sur la route, et on arrive mal à la vendre.
Je vais t'épargner le bout où je t'explique qu'on a du mal à la vendre parce que les médias populaires ne font pas vraiment de place à sa promotion. J'ose croire que ça, tu le savais déjà, Pat.
Faque c'est certain que quand tu headlines un show pis qu'on te donne l'option entre présenter une première partie ou couper ton show en deux, c'est ben plus le fun de pas le couper. Pis je vais te le dire - tombe pas en bas de ta chaise, Pat - mais c'est aussi ben plus le fun de partager la scène avec d'autres bands qu'on aime. C'est aussi ben plus le fun de sentir que, si on offre ne serait-ce qu'un petit peu de visibilité à l'artiste en première partie, ça peut juste être bénéfique pour son projet et pour les personnes dans la salle qui sont curieuses d'entendre quelque chose qu'elles ne connaissent pas encore.
C'est quand, toi, la dernière fois que t'as fait une découverte musicale, mon Pat?
Bref, cette pause-là, qui te permettrait d'y aller pisser au lieu de juste chialer sur le fait que t'as envie de pisser pis que tu choisis de te retenir, elle aide financièrement à le présenter, ce spectacle, pour lequel tu as acheté un billet vraiment pas si cher que ça quand tu le compares à ton bill de pintes de bière que tu vas avoir bu ce soir-là.
Je vais pas trop te gosser avec ça, mon Pat, mais pendant ce temps-là, il y a plusieurs technicien-nes qui s'affairent à faire ce qu'on appelle un change-over, qui consiste à sortir les instruments de la première partie de la scène et replacer le setup du deuxième band. Hey man, ça peut être compliqué, faire ça vite. Surtout considérant que ce monde-là aimerait vraiment ça que tout se passe bien pour l'artiste qui s'apprête à commencer son show, et pour le public qui s'apprête à l'écouter.
Mais je relis tes chroniques et je te vois venir : « Ok, ok, Tony, j'ai compris, je chialerai pu sur les premières parties, mais ça excuse pas le fait que les shows commencent pas à l'heure, on est d'accord? » Sur le fond, oui, on est assez d'accord. Mais j'ai une question pour toi, mon Pat. Peux- tu me redire à quelle heure t'es parti de chez vous avec << Madame » pour le show de Martha Wainwright qui commençait à 20 h? Me semble que c'était 20 h. Là, imagine-toi deux secondes le nombre de tatas qui se disent la même affaire que toi. Imagine ce que ça crée dans les coulisses d'une salle de spectacle. T'as généralement un régisseur qui va venir te voir dans la loge et qui va te dire : << Hey, on va décaler le début du show un peu parce qu'il manque encore beaucoup de gens qui ont acheté leurs billets. » Imagine : t'es le band qui joue. Tu te dis : « C'est plate pour eux autres si on les attend pas, pis c'est plate pour nous autres de jouer dans une salle vide. » Faque t'attends un peu. On appelle ça un cercle vicieux.
J'arrive à ta deuxième chronique, Pat. Je te connais pas vraiment, mais je pense que t'es doté d'une certaine forme d'intelligence. Pis je sais pas si on te l'a appris, mais dans un débat, la stratégie de l'exemple est pas mal l'argument le plus faible. Parce qu'au fond, ce que tu nous dis, c'est qu'il y a 4-5 mononcles-matantes qui t'ont validé dans ton mal de pieds pendant que t'attendais l'artiste principal-e, pis tu t'es dit que c'était suffisant pour invalider ce que la moitié (ou les trois quarts, selon tes dires) de la communauté musicale t'a dit.
J'espère que tu comprends aussi, avec un peu de recul, que ta proposition de faire commencer les premières parties avant l'heure annoncée du show fait en sorte que ce à quoi sert une première partie est complètement évacué de ton scénario. C'est comme si, au lieu de t'intéresser au monde dans lequel tu vis, tu demandais à ce monde-là de s'adapter à ton petit nombril - et à celui de Mme Olivier, Louise, Carol, Christian et Sophie (on les salue), apparemment tes seul-es allié-es dans ta grande croisade anti-premières parties.
Je finirai sur ton avant-dernier paragraphe, Pat. Celui où tu nous dis que notre concurrence, c'est le salon. Netflix, Reddit, Facebook, RDS. Les écrans. Et là, je comprends mieux. Je te vois, à Brossard ou au MTelus, pendant la pause interminable entre la première partie et la deuxième. Je te vois, avec << Madame >>, au milieu de la salle. Tu serres les fesses pour réfréner ton envie de pisser. Tu regardes la scène vide comme tu regardes ta TV. Pis y'a un moment de silence, un moment où l'artiste pour qui t'as payé (ou l'autre qui a « pourri » ta soirée) n'est pas là pour te donner quelque chose à regarder. Tu te retrouves tout seul avec tes pensées (et Madame). Et fuck, t'as mal au dos. Et shit, t'as mal aux pieds. Pis y'a rien à la TV. En fait, y'a sûrement quelque chose à la TV. Mais maudite marde, t'es pogné là, au milieu de monde qui préfère les arts vivants.
Je sais pas si t'es culturellement mort en dedans. T'as l'air d'avoir aimé le show d'Elisapie. Il doit rester une petite flamme qui brûle quelque part en dedans. Laisse-la pas mourir. Pis la prochaine fois que tu veux faire une chronique sur un milieu que tu connais pas, fais donc ta job de journaliste pis parle à des gens qui peuvent t'expliquer le sujet que tu ne connais pas vraiment. Y appellent ça de la curiosité, de l'empathie... mais surtout, de la rigueur.
J'espère que si on se croise dans une salle de spectacle, ce sera aux toilettes, mon Pat. Retenir ses envies de pisser, ça donne juste envie de chier. Pis je trouve ça plate quand c'est sur nous que tu fais ça.
Antoine
(un gars qui joue parfois en premier, parfois en deuxième) »
Source: PetitPetitGamin
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| Patrick Lagacé | 38 | 32.8 % |
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